Mon arme, ma voix
Photo : Rolereboot
Collaboratrice spontanée – Anonyme
Aujourd’hui je prends la parole et je parlerai au nom de toutes ces femmes qui ne parleront jamais, au nom de toutes celles qui continueront de garder le silence par peur de représailles. Je vais essayer de vous décrire le plus indescriptible avec le plus grand tact.Je ne peux pas me permettre de vous témoigner que tout va bien, que tout est mieux. Ce serait vous mentir!Ça me heurte de constater qu’instant après instant rien ne change, rien n’est mieux. Je connais la stagnation, les pentes descendantes, mais jamais je ne pourrai revivre le sentiment d’être bien à cent pour cent. Je vais plutôt me porter dans l’obligeance de vous donner l’heure des plus juste depuis que le soir du 26 septembre 2016, le soir où Monsieur m’a violé, je me suis fait voler m’ont droit à ma liberté.Je dis liberté, ici, pour vous imager le plus authentiquement possible tout ça, malgré qu’il m’est totalement impossible de vous montrer mes multiples blessures internes, au sens psychologique et l’atteinte à mon intégrité tant sur le plan personnel que professionnel. Ce qui fait que je tienne à rester dans des paroles des plus compréhensibles et ainsi à vous amener avec moi dans mes souvenirs les plus souffrants, les plus malsains de mon existence, mais aussi mes souvenirs les plus francs, les plus frais.
Des souvenirs qui me hanteront toujours
Ces gestes infligés sur ma personne par Monsieur sont et resteront à tout jamais immensément lourds de conséquences. Ces souvenirs qui resteront aussi toujours trop clairs, et ce, même si le temps passe. Toujours comme si c’était hier. Une date d’acte criminel tatouée à jamais à ma ligne de vie. La date qui nous soudes ensemble, mon violeur et moi. Ces souvenirs rattachés à cette soirée-là me hanteront toujours. Je suis marquée au fer rouge à vie comme une brûlure au troisième degré, mais une brûlure des plus internes, des plus vive, des plus puissante.
Photo : SasknowDe son souffle sur ma peau, de sa peau chaude contre mon corps raidi sous le poids de ses paroles, de ses incitations et de ses gestes. Oui, le soir du 26 septembre 2016 j’ai probablement perdu ce qui m’était de plus cher, soit ma liberté. Je crois pourtant que ça reste tellement minime à coter de tout ce que je me dois de reconstruire, de rebâtir depuis cet instant. C’est des plus ahurissant réapprendre à vivre après. C’est des plus dérangeant de se faire imposer une réorientation de cheminement de vie.C’est accablant. Déstabilisant et tellement humiliant! C’est comme être en constante chute libre sans jamais pouvoir toucher le sol. C’est extrêmement demandant de se reprendre en mains sans que ce soit toi qui en aies décidé des circonstances.J’ai mal par en dedans à chacune de mes respirations. C’est douloureux une coupure au couteau, une coupure à vif, mais ça guérira avec le temps, par contre survivre à une agression sexuelle c’est encore plus douloureux. C’est une blessure qui ne guérira jamais, et ce, même si le temps passe. C’est une douleur si profonde, si intense et pourtant si fraîche, si vive que je ne cesse de vouloir la panser, mais en vain.
Un cheminement long et sinueux
Un long et sinueux cheminement à très long terme m’attend. J’ai été victime d’agression sexuelle une fois, et pourtant… pourtant les conséquences resteront, jusqu’à mon dernier souffle, attachées à ma vie. Je n’aurais jamais assez d’une main pour compter mes trop nombreuses consultations psychologiques reflétant de la graviter de mon choc post-traumatique relié directement à cet événement plus qu’ébranlant. C’est terriblement lourd de conséquences tant sur le plan personnel, émotionnel, relationnel que professionnel.C’est troublant être en recherche constante de son souffle. Troublant de se sentir partir. Se laisser envahir par l’agresseur parce que rien ne peut lui faire perdre le fil. Ma vie a été détruite en totalité à partir de cette agression sexuelle. Il y a l’avant, le pendant et le après.
Photo : Huffpost
Vague d’émotions
Quant à moi oui, l’acte d’agresser sexuellement est déchirant, complètement déstabilisant et tellement déshumanisé, mais une fois sous l’emprise de Monsieur je savais que je me devais de coopérer afin de m’éviter de plus amples blessures physiques autres que de sentir son sexe me pénétrer sous ma raideur accrue à laquelle je me raccrochais pour espérer m’en sortir vivante. J’ai lâché prise contre toute l’emprise que Monsieur avait sur ma personne à ce moment précis. J’étais tétanisée, paralysée, incapable de me débattre ou de crier. Mon souffle a été coupé à plusieurs reprises sous les fortes pulsions animales, sous les ardeurs que Monsieur avait d’assouvir ses propres désirs, ses propres besoins au détriment de ma personne. C’est à cet instant précis que je me suis vue après son geste complètement désemparée. J’ai été submergée pas une vague de honte, une vague de colère, une vague de tristesse, de rage, de déstabilisation.Cette si faible dose de courage que j’ai été capable d’aller puiser au fond de mon être au moment ou j’inhalais m’a porté à éclater en sanglots. Sous ma réaction Monsieur m’a intimé de m’expliquer parce que selon lui tout allait bien, tout était correct. Jamais au grand jamais mon NON des plus audible ne fut respecté ni même entendu. Pourtant il m’avait demandé avant de me violer si c’était une mauvaise semaine pour moi, faisant référence à mon cycle menstruel. Je lui ai répondu des plus clairement que oui ce n’était effectivement pas une bonne semaine pour moi.
Photo : Science of relationship
Le silence
J’espérais encore pouvoir me faire respecter, pouvoir me faire entendre, pouvoir me sortir aussi maladroitement des griffes qui étaient en train de se resserrer très sournoisement sur moi. Après cet acte agressif, je me devais de garder le silence des plus silencieux. Un silence pour dissimuler le mal que Monsieur venait de commettre. Parce qu’il était plus que primordial que personne ne sache jamais ce qui s’était passé dans son lit ce soir-là. J’étais maintenant captive du silence. Entre lui et moi le silence. Entre les autres et moi, le silence. De moi à moi le silence. Entre ma tête et mon petit corps meurtri, le silence. Je me devais de faire régner partout autour de moi un silence des plus silencieux.Le lendemain matin, j’ai reçu un texto de la part Monsieur qui prenait de mes nouvelles, à savoir si j’avais été capable d’avoir une bonne nuit de sommeil malgré tout. Une fois (la première fois fut le soir après l’agression sexuelle) de plus, à ce moment-là Monsieur m’a précisé qu’il ne voulait pas que j’aie peur de lui, qu’il souhaitait que rien ne change, que rien ne soit différent dans notre relation qu’il qualifiait «d’amicale». Que l’on oublie ce moment peu élogieux qui a eu lieu le 26 septembre 2016 et que l’on fasse comme si ce n’était jamais arrivé. J’avais peur, terriblement mal et sous les supplices insistants de Monsieur je lui ai répondu que c’était correct et que je croyais qu’il fallait aller jusque-là pour savoir que nous deux ça ne se pouvait pas. STOP.
Photo : K-State CollegianIci se sont des paroles rapportées d’une victime qui se sent totalement culpabilisée, voir responsable à cent pour cent des gestes de son agresseur. Sous aucun prétexte Monsieur ne m’autorisait à parler de cette journée. Jamais. À personne. Jamais. Tenter de l’effacer, de l’oublier… de vivre avec.
Parler
Quelques jours plus tard, exactement dix jours après avoir été victime de l’agression sexuelle de Monsieur. Michel, un ami de longue date à mes parents, a été ma bouée de sauvetage. Pour faire un court résumé, je lui avais téléphoné pour lui demander de passer chez moi pour régler un problème de tuyauterie comme mes parents étaient en voyage. Michel était donc la personne sur laquelle je pouvais compter en cas de problèmes avec ma maison. Lorsqu’il est arrivé à mon domicile, je me suis ouverte à lui. Lui racontant en superficie seulement ce qui m’était arrivé neuf jours plus tôt. Sa réaction face à mon vécu m’a immensément ébranlé. Le voir les larmes aux yeux, m’a complètement chaviré. C’est à cet instant que j’ai pris conscience également de toute l’ampleur de la gravité tant des gestes, mais aussi des paroles que mon Monstre a eues et avait encore sur moi. J’avais été violée!Prendre conscience que mon droit à ma liberté, que mon droit au respect a été bafoué, démoli dans toute son entièreté, c’est se sentir des plus impuissant au monde. Toute la nuit, étendus sur le divan, ces quelques mots échangés entre Michel et moi ont fait leur petit bout de chemin et c’est le lendemain que j’ai choisi d’entamer le plus long processus de reconstruction intérieur et extérieur à vie. Se reprendre en main c’est un long processus, sinueux et extrême. Se reprendre en mains, non par choix, c’est prendre conscience de toute l’ampleur qui résulte du geste des plus horribles que Monsieur ait pu poser sur moi, me violer. Ce n’est pas un processus qui m’apportera une certaine guérison, aussi minime soit-elle puisque les gestes commis par Monsieur resteront toujours irréversibles et immensément lourds de conséquences à porter pour moi, pour mon futur.
Chaque jour, chaque heure, chaque seconde apporte son lot de difficultés.Violer est un geste que je classifie des plus disgracieux pour l’humanité! Un geste d’une gravité aussi importante que l’on puisse oser commettre à l’égard d’une personne c’est complètement ahurissant. C’est un geste qui n’est pas sans représailles pour la victime ni même pour les gens proches de celle-ci, bien au contraire.En tant que victime d’un viol, je peux confirmer que ce sont des conséquences des plus permanentes qui résultent de ce geste des plus grossiers. Mes blessures datées du 26 septembre 2016 ne guériront jamais. Elles resteront toujours des plus fraîches, et ce, même si je ne cesse de vouloir les panser.* Ce texte n’a pas été rédigé par La Rouquine, il s’agit d’une collaboration spontanée d’une lectrice du blogue qui désirait partager son histoire de façon anonyme.Vous êtes intéressé à faire de même (anonymement ou non) ? Écrivez à La Rouquine au [email protected]